Déconfinement : Acte 3

Ca y est on se déconfine. Mais prudence quand même.
J’avais le choix entre le pessimisme de l’ashkénaze que je suis où l’optimisme casablancais de mon épouse qu’elle est depuis près d’un demi-siècle, ou peut-être les deux mon capitaine.
J’ai choisi le discernement.
C’est vrai, la deuxième vague peut arriver quand on voit l’indiscipline des uns et l’indifférence des autres. Les règles de distanciation font figure de consignes d’antan et la crédibilité des scientifiques s’est rapidement trouvée diluée par des querelles de clochers.
Alors que reste-t-il à faire pour les gens sérieux que nous voulons demeurer sinon d’observer la plus grande prudence. C’est bien ce que je ferai, je porterai un masque pour tous les lieux publics, je le porterai quand j’irai partout même si je venais de nulle part, et si je sais que cela embue mes lunettes, si je sais que cela finit par m’énerver eh bien tant pis, et le gel hydro-alcoolique continuera de couler à flots dès qu’obligation s’en fera sentir.
Nous devons coûte que coûte et vaille que vaille éviter cette nouvelle vague qui prendrait un air de revanche et ne nous ferait pas de cadeaux.
Rejetons d’un revers de manche les mauvais conseils de ceux qui prétendent détenir la vérité en affirmant que ce qu’il s’est passé appartient déjà au passé. A n’en pas douter, il y aura toujours des avis très éclairés voulant répandre des vérités acquises mais sans afféterie aucune, il sera bon de leur rappeler que trop de lumière aveugle.
Et puis je tiens à rester prudent car le premier déconfinement m’a fait revivre des moments merveilleux et je ne voudrai pas avoir de nouveau à m’en priver, par exemple prendre mes petits-enfants dans mes bras, les entendre dire papi par ci ou papi par là, m’asseoir par terre pour jouer avec eux même si parfois au bout d’un certain temps il m’en coûte de me relever.
J’ai même projeté avec ma vieille maman de préparer un magnifique moment dans trois ans pour
fêter ensemble mes 50 ans de mariage et… ses 100 ans, cela vaut bien prudence d’aujourd’hui.
Et un nouveau confinement me priverait de la voir, d’ouvrir son armoire à pharmacie où dort une quantité industrielle de médicaments pour la plupart périmés, d’ouvrir son placard avec ses trois litres d’huile et ses quatre kilos de sucre d’avance, d’entendre le sifflement de son tchaïnik, cette vieille bouilloire qui lui sert à se faire du thé toute la semaine… avec le même sachet. Quant à ses napperons qu’on pourrait dater au carbone 14 et qui, d’un sommeil profond, dorment sur les accoudoirs de son fauteuil depuis plus de 70 ans, ils faisaient partie de son trousseau m’a-t-elle dit, alors rien que pour les revoir tous les dimanches, je ne veux plus être confiné.
Allez encore un petit effort, on n’a quand même pas fait tout cela, tout ce chemin depuis mars dernier pour rien, alors persévérons parce que la responsabilité et la prudence sont sans doute la grandeur de notre mission et à toute heure soyons prêts à la remplir.

Alain Kaminski
Rueil-Malmaison