Billet : Erreur de prénom

par Alain Kaminski

Un jour un rabbin me disait que dans la religion juive il fallait toujours se poser des questions, qu’on n’avait pas forcément les réponses parce que nous devions toujours attacher beaucoup d’importance à l’interprétation.
Depuis ce jour je m’interroge sur beaucoup de choses liées aux dispositions de la nature humaine, parfois je m’attarde à des futilités, j’en viens même à me demander si, comme on dit, je n’avais pas la critique un peu trop facile.
Mais ces derniers temps, je passais devant une sépulture du cimetière parisien de Bagneux et je lisais sur une pierre tombale le nom et le prénom d’un défunt précédés de Docteur. J’étais consterné, moi qui pensais que nous retournions tous à la poussière, moi qui pensais que la mort devait nous placer sous le niveau de l’égalité la plus parfaite. Je cherchais mes mots, mais face à la mort je me devais de faire abstraction de tous ces qualificatifs que j’avais en tête, prêt à les lâcher, modestie, décence, retenue, humilité, simplicité et bien d’autres encore.
Aussi, je me demandais même si un jour on ne finirait pas par graver à la feuille d’or sur une stèle ou une pierre tombale en granit du Tarn… conventionné secteur 2, sur rendez-vous uniquement.
Cette distanciation sociale que certains veulent vivre après leur mort, certes souvent souhaitée par les familles, correspond-elle à cette diversité qui fait la richesse de notre Communauté ? Sauf avoir été affublés du prénom de « docteur » à leur naissance, il m’est malheureusement arrivé de rencontrer des médecins vous serrant la main en faisant précéder leur patronyme de « Docteur » si bien qu’une vie entière vous laisse ignorer leur véritable prénom. C’est à se demander si certains ont l’occasion de le prononcer au cours des décennies qui ont suivi la fin de leurs études de médecine.
Mais qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu pour voir cela, pour voir par ailleurs le militantisme des membres de la Communauté juive se transformer en confédération syndicale jusqu’à conserver jalousement un statut social pour sa dernière demeure.
Oh je n’ai rien contre les médecins mais vraiment rien, qu’on se le persuade, et avec le petit comprimé que je prends chaque matin pour ma tension je leur dois sans doute la vie, qu’on se le dise ! Mais de grâce, un peu d’humilité sur les parvis des cabinets médicaux ne nuirait à personne.
Il y avait avant la guerre de magnifiques associations dont j’ai vu récemment les sépultures collectives dans ce même cimetière parisien de Bagneux, des associations qui avaient fait tant de bien autour d’elles, tant de social, L’Amicale des marchands forains, l’Amicale des boulangers juifs de France, le Carreau du Temple et bien d’autres encore et chaque membre à cette époque se présentait … avec son prénom, Yankel, Schloïmé ou Mordehaï. Leçon de fraternité peut-être.
Je sais qu’un jour un rabbin m’apportera une réponse et que j’aurai l’occasion d’y apporter une interprétation. Mais pour l’heure il me semble qu’un travail sur soi-même devrait permettre à chacun de se regarder devant un miroir, il pourrait y voir ainsi son propre ennemi.