Les patronymes : Le nom, c’est tout un métier !

Par Alain Kaminski

On rigolait bien, paraît-il, à l’heure du schnaps chez Félix, ce petit restaurant de cuisine yiddish en face du Carreau du Temple, à une certaine époque.
Les confectionneurs s’y donnèrent rendez-vous avec leur drôle de nom polonais. Il y avait Monsieur Szwec (le cordonnier) mais aussi les deux inséparables Cholewa ( la tige de la chaussure) et Przyswa ( le contrefort de la chaussure). Il se disait d’ailleurs que les deux faisaient la paire ! Mais parfois venaient les rejoindre Podeswa (la semelle) et Dratwa (les lacets).
Mais il y avait bien sûr Nozy (le coutelier), fidèle au poste Zlotnik (l’orfèvre) Piekarz (le boulanger) Kapeliousnik (le chapelier) et bien évidemment Krawiec (le tailleur).
Tout ce petit monde sorti tout droit d’un roman de Bashevis Singer fréquentait aussi Aptekier (le pharmacien). Les femmes donnaient leur avis sur le foie haché, Madame Czwertak (jeudi) et même Anna Pjantek (vendredi), que cela soit en juin (Czerwiec) ou en juillet (Lipietz).On y mangeait vraiment bien chez Félix, il y avait de la carpe farcie (Karp), du brochet (Szczupak), du poulet (Korczak) et de bons gâteaux (Placek).
Ils étaient heureux chez Félix mais au fait, comment dit-on heureux en polonais ? C’est pourtant simple : Szczesliwy, sans oublier la cédille sous le e et l’accent aigu sur le s, bien entendu.