Billet : Un rituel bientôt ancien et accepté

Par Alain Kaminski

C’est désormais un rituel, le samedi n’est pas jour de repos ni celui du Seigneur mais celui des manifestations hebdomadaires. Parmi les participants assidus, des gilets jaunes, des anti vaccins, des anti passe sanitaires, des anti tout en quelque sorte. Certains avouent même qu’ils manifestent car ils passent une bonne journée, rencontrent des gens qu’ils n’auraient pas rencontrés ailleurs, qu’ils s’y font des amis, bref, plutôt que de passer l’après-midi devant la télé, on manifeste.
D’autres sont contre tout, aiment à se déclarer complotistes ce qui leur confère une vocation, un semblant de statut, ils se drapent ainsi d’un corpus idéologique ponctué de slogans dogmatiques avec des idées venues de nulle part.
Enfin, ils sont contre tout mais pas tout-à-fait quand même.
Force est de constater que certains ingrédients sont à leur goût puisque la présence d’antisémites notoires défilant à leurs côtés ne les gêne en rien, pas même quand des pancartes listant de façon ostentatoire des personnalités juives sont brandies avec malignité. Pas même quand des voisins de manifs défilent avec des drapeaux palestiniens pour conspuer des laboratoires pharmaceutiques parce qu’un directeur général est de religion juive. Ces manifestants ont tout pour nous rappeler qu’en période de crise un bouc émissaire est toujours d’astreinte, le juif ! On pourrait, à tout le moins, se demander pourquoi aucune exfiltration n’est organisée au cours de ces manifestations,
les porteurs d’étoile jaune sont les bienvenus, ce n’est pas une banalisation de la Shoah disent-ils mais une démarche symbolique pour éviter de fracturer notre société. L’équipement antisémite fait partie intégrante de la démarche si l’on veut être pris sous l’œil des caméras toujours à l’affût et obtenir pour les copains le label « vu à la télé ».
On a désormais le choix entre le lamentable, le pathétique et le nauséabond. Un triptyque malveillant qui me rappelle l’importance de ces mots que mon professeur de latin me demandait il y a plus de cinquante ans de traduire et qui me semblent plus que jamais d’actualité. Il citait Saint-Augustin car il vénérait le philosophe, le politique, l’exégète de la pensée biblique. Celui-ci disait : « A force de tout voir on finit par tout supporter, à force de tout supporter on finit par tout tolérer, à force de tout tolérer on finit par tout accepter, à force de tout accepter on finit par tout approuver. »
Que c’était bien dit ! Les grandes chaînes d’information en continu seraient bien inspirées de se référer à l’évêque d’Hippone pour expliquer que la situation est grave, inacceptable, que l’antisémitisme a encore pignon sur rue au XXIème siècle au pays des Lumières et qu’il faut le condamner avec la plus grande fermeté.