Portrait : Menahem Letzt (1900-1975)

Par la famille Letzt

Menahem Letzt, années 1970

Né à Varsovie le 13 août 1900, Menahem Letzt arrive en France en 1921.
Il quitta la Pologne pour rejoindre en France deux de ses sœurs, Hena et Perla et pour éviter un service militaire dans une armée polonaise peu accueillante pour les juifs. Il rencontrera Rachel Schlinger en 1922, âgée alors de 18 ans, et l’épousera la même année. Ils auront deux enfants, Regina née en 1923 et Salomon né en 1929. Entre-temps, il fera venir ses parents Henoch et Aïda, son frère Chloïmé et deux autres sœurs Chana et Fajga. Menahem était tapissier de formation en Pologne et à Paris ses parents, bouchers de profession, avaient ouvert une petite boucherie cacher rue Charles V à Paris, entreprise qui fit faillite rapidement eu égard à l’exiguïté du local, à la seule langue yiddish utilisée pour servir le client et au sens totalement inexistant du commerce… de l’accueil en particulier.

Menahem en haut au milieu, à son arrivée de Pologne en 1922, travaillait dans une usine de métallurgie en Lorraine
Menahem Letzt, son épouse Rachel et leur jeune fille Regina, années 1930

Les années 39-40 furent un moment difficile, il dût s’engager dans la Légion étrangère en Algérie pour permettre à sa famille, de nationalité polonaise, de rester sur le territoire français. Puis il les rejoignit dès les premières persécutions pour quitter Paris pour Mondoubleau dans le Loir-et-Cher puis La Pacodière dans la Loire et Roanne.

Menahem Letzt en uniforme de légionnaire en Algérie, 7 avril 1940
Menu du repas de seder offert aux soldats juifs par le Consistoire Israélite de Sidi-Bel-Abbès, Algérie, 1940

Difficile de se cacher, les dénonciations et la difficulté de se loger les amèneront dans les Alpes-Maritimes, cette fameuse commune de Saint-Martin Vésubie près du Parc de Mercantour.
Cette commune qui a tant protégé les juifs était occupée par une armée italienne opposée aux Allemands, ses officiers ont aidé les juifs à traverser la montagne pour les remettre en territoire italien à deux hommes d’Eglise qui plaçaient les juifs chez des paysans italiens, résistants.

Carte d’identité italienne au nom de Régine Letzt

Cela se passait à Borgo San Dalmazio où les allemands installèrent déjà un camp d’internement pour les juifs, plus de 400 d’entre eux seront déportés mais certains sentant le vent tourner se sont éclipsés avant d’être arrêtés et Menahem Letzt et sa famille descendirent très vite sur Florence puis Rome où ils ont été récupérés par un moine capucin, Père Marie Benoît, un homme extraordinaire qui, avec le soutien financier du banquier juif italien résidant à Nice, Angelo Donati, a logé la famille Letzt, d’abord dans un couvent près de Rome puis au cœur de Rome, au 5 Via Condotti, adresse aujourd’hui si prestigieuse, il leur fournira des cartes d’identité italiennes. Les Letzt y resteront jusqu’en 1945. Pendant ce temps, les parents de Menahem furent arrêtés à Paris rue des Amandiers, ils ne reviendront jamais d’Auschwitz. Sa sœur Chana Chopfenberg reviendra d’Auschwitz mais sans son mari, Perla Nadelwais et Fajga Fouks, ses deux autres sœurs ne reverront plus jamais leur époux.

Menahem et Rachel Letzt en vacances à Menton, février 1952

Menahem Letzt et son épouse seront commerçants dans le textile à Paris, ils prendront leur retraite à Menton, à la frontière italienne, si proche du pays qui les a sauvés, jusqu’à la disparition de Rachel en 1974, suivie de celle de Menahem en 1975. Leur fille Regina, âgée de 99 ans, est peut-être aujourd’hui la dernière survivante adulte à l’époque, qui a connu l’Histoire des juifs à Saint-Martin-Vésubie. Elle épousera en 1947 Léon Kaminski, ancien déporté, et Salomon épousera plus tard Jeanine Langman, fille de déporté.

Réception d’un sefer torah à la synagogue de Menton

Menahem Letzt fut un des piliers des Amis Israélites de France, trésorier, porte-drapeau, et fils de co-fondateurs. Ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants restent profondément attachés à cette société mutualiste qui est partie intégrante de leur famille.