Billet : Liberté de croire ou de ne pas croire

Par Alain Kaminski

Gad Elmaleh est tombé amoureux de la Vierge Marie. Et moi, le juif de Kippour mais le juif si respectueux des traditions et si respectueux des orthodoxes dès lors qu’ils jettent un coup d’œil sur le monde extérieur, je ne trouve rien à redire tant la liberté des uns et la tolérance des autres me sont chères. J’avais cru un moment que notre artiste avait inventé tout cela pour la promotion de son film Reste un peu mais après avoir vu ce film au demeurant très enrichissant, j’ai cru comprendre que l’artiste était assez intelligent pour dire à ceux qui l’admirent qu’on ne jouait pas avec cela. J’ai cru comprendre que la Vierge Marie l’avait charmé et s’invitait elle-même en poussant les portes de sa famille, nantie d’un autre rituel, ancien et non accepté. C’est vrai qu’elle est jolie parfois dans ces églises où l’art, la peinture, les sculptures et les dorures nous éblouissent quand nos synagogues nous offrent des chaises offertes à la mémoire de tel bienfaiteur ou des candélabres offerts avec le nom bien gravé du donateur. L’art pictural ou sculptural est banni de nos lieux de prières, c’est bien dommage, l’épurement ne force pas toujours l’admiration, je le confirme après avoir visité il y a quelques semaines la cathédrale de Tolède où je n’ai rien ressenti sur le plan spirituel mais j’en avais quand même plein les yeux.
Gad Elmaleh est donc tombé amoureux de cette Vierge Marie et des esprits étriqués de notre Communauté juive n’ont pas tardé à déverser leur fiel, ceux-là mêmes qui dansent quand un chrétien se convertit au judaïsme. On relèvera que le cheminement de Gad Elmaleh place ses proches dans une situation où la frontière entre le réel et la fiction est difficile à franchir mais le dialogue, la sérénité et la bienveillance n’ont-elles pas fait, eux aussi, des miracles dans l’Histoire de l’Humanité.
Cette nouvelle foi qui la prend dans ses bras serait donc un acte ampliatif de son existence, lui qui nous rappelle que l’entrée dans une église de son Maroc natal lui était interdite.
Cette quête spirituelle, même si je peine à la comprendre, me semble parfaitement respectable d’autant qu’elle n’altère en rien ses liens familiaux et son respect pour le judaïsme, ses traditions, ses valeurs, son histoire. Son film peut aider à redéfinir la tolérance tel un outil réflexif souvent absent de tout échange. J’observe de nos jours, avec seulement les fatras de la vie, que tant de familles voient leurs enfants s’ignorer, fâchés, des frères et sœurs définitivement éloignés dans les cœurs et dans les esprits, alors j’aurai tendance à penser que la foi reste une disposition uniquement personnelle, au plus profond de l’intime, et que les liens familiaux doivent toujours prendre le dessus, je dirai presque statutairement.
C’est peut-être la leçon qu’a voulu donner Gad Elmaleh au moment où certains rêvent peut-être de le voir maudire son destin.
Son film aurait pu s’intituler Liberté de croire ou de ne pas croire, il aurait pu s’intituler Que nos cœurs se rapprochent en même temps que nos mains.