Champ libre : Voyages, voyages…

Par Rosette Birkan

Après avoir participé à quelques voyages organisés par une amicale juive, j’ai remarqué
avec une grande surprise et une réelle admiration que tous les participants du groupe, quelle que soit
le moment du rendez-vous fixé, étaient toujours présents à l’heure. Tous, sans exception. L’heure ?
Que dis-je, même bien avant l’heure ! Pour avoir effectué d’autres voyages sous d’autres latitudes,
cela me paraît une gageure. J’en fais la remarque à Evelyne, l’une des participantes du groupe, qui
me souffle à l’oreille avec un sourire entendu « on voit bien que ce sont des ashkénazes… ». Oui,
mais… pas tous, et ils sont tous à l’heure.
Qu’est-ce que cela signifie ? Politesse des rois, me direz-vous ? Bien sûr. Mais peut-on avancer
d’autres raisons ? Cohésion du groupe, peur de décevoir le groupe, peur de se voir ostraciser ? Peut-être.
Petite fille, lorsque je prenais le train avec mes parents et mes grands-parents, au moment des
grandes vacances, nous étions présents au moins une à deux heures avant, sur le quai, à attendre un
train qui n’était pas encore en gare et pourtant, à cette époque, il n’y avait pas de consignes de
sécurité qui obligeaient les voyageurs à ne pouvoir accéder au train qu’une demi-heure à l’avance.
« Un train n’attend pas ! » était l’explication sans appel qu’on me donnait.
Une fois installés dans le train, assis à nos places réservées, nous, les enfants, attendions le départ
avec une réelle impatience en se penchant par la fenêtre du compartiment, en se rendant dans le
couloir. Maman glissait à proximité d’elle le sac contenant les provisions de voyage et la bouteille
Thermos. Très important ce sac : il fallait que l’on mange dès le départ du train, pratiquement. Et
nous attendions. Joie du départ en vacances, impatience et… appréhension, inquiétude. Cette
inquiétude qui me taraudait le ventre irrémédiablement au moment du départ. Partir pour un ailleurs
inconnu. Sans le savoir, je ressentais d’autres départs, ceux vécus par mes parents, mes grands-parents.
Ces départs, ces séparations, cette attente m’ont été transmis. Puis, la voix inaudible du
haut-parleur annonçait enfin le départ. Quelques voyageurs en retard couraient le long du quai. Au
coup de sifflet du chef de gare, le train s’ébranlait doucement laissant derrière lui mon appréhension,
mes doutes et mon inquiétude. Maman était à mes côtés et les grandes vacances commençaient.