La colère (salutaire) de François Berléand

Le tag antisémite sur la vitrine d’une enseigne de restauration rapide Bagelstein est épouvantable.

D’aucuns diront qu’il rappelle de bien mauvais souvenirs.

Ne souhaitant pas évoquer une époque que je n’ai pas connue, je troquerai avec clairvoyance ces souvenirs sombres contre un avenir triste et si l’avenir reste toujours incertain parce que parfois lointain, le devenir lui, bien plus proche par définition, laisse poindre un antisémitisme toléré dans une société incontrôlable, peu ou prou indifférente.

Force est d’admettre que ces gilets jaunes ont ouvert un boulevard à tout ce qu’il y a de plus nauséabond, le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie. Et pour créer la saveur tel un maître saucier dans la brigade d’un chef étoilé, on y ajoute l’intimidation, les menaces de mort à l’endroit des quelques gilets jaunes sincères désirant s’exprimer librement, l’incendie volontaire des édifices publics et des biens personnels des élus de la nation.

Qui pourrait dire comment cela se terminera, à tout le moins comment cela se poursuivra ?

Les fauteurs de troubles sont trop peu interpellés et lorsqu’ils le sont, qui pourrait dire ce qu’il advient du travail de la justice, des peines encourues, prononcées, trop souvent non exécutées ? Les chaînes d’information en continu font bombance de sensationnel mais pour la suite des évènements et des condamnations infligées à ceux-là mêmes qui ont fait leurs choux gras, elles observent un silence telle une bernique sur son rocher breton.

Je n’attends rien des timides indignations de ces politiciens de tous bords pour espérer un antidote à cet antisémitisme sorti parfois de venelles pour croître sur les ronds-points. Les gilets jaunes se déclarent apolitiques mais partagent leur bout de gras avec les soutiens indéfectibles de Marine le Pen et les fidèles janissaires de Jean-Luc Mélenchon.

Reste le monde des intellectuels, du spectacle et de ceux qu’on appelle parfois les people.

Ils me semblent bien timorés ces derniers temps et, parés d’une frilosité surprenante, ils ne s’expriment guère préférant se réfugier dans leur cocooning comme s’il ne se passait rien en France depuis trois mois.

Alors bravo à Monsieur François Berléand qui est sorti de ses gonds pour dire «  ils me font chier les gilets jaunes ». Cet homme de théâtre au talent reconnu ne saurait être accusé de retomber en enfance ou d’être devenu gâteux, il est parfaitement lucide, dans le mitan de sa vie, et a tenu à exprimer courageusement sa colère quand bien d’autres de sa profession ont préféré la pleutrerie.

Respect !

Alain Kaminski