Déplacez-vous, chaque voix compte !

Il y a quelques semaines encore, je ne savais pas si l’allais me déplacer pour aller voter ce dimanche 26 mai prochain, pour ces élections européennes.

Découvrant cette multitude de listes, ce nombre d’hommes et de femmes pressés d’abandonner une situation professionnelle enrichissante pour faire de la politique, parfois enrichissante elle aussi me direz-vous, constatant que tant de gens ne voyaient leur avenir qu’en devenant ou restant député, j’étais quelque peu dépité.

Et puis je comptais laisser sereinement ma conscience me guider jusqu’au jour du scrutin sachant que pour ce qui est de mon combat contre les extrêmes, je n’avais jamais aspiré au repos.

Puis deux événements marquants m’ont interpellé le même jour à une heure d’intervalle chacun. Si le premier fut grave, le second fut anecdotique mais tous deux m’ont rappelé qu’en aucun cas je ne devais me soustraire à mon devoir de citoyen pour ce scrutin.

J’étais dans mon véhicule et j’entendais le discours de Marine Le Pen à Milan, entourée bien sûr de tout ce que compte l’Europe de dirigeants fascistes. Elle disait et même éructait qu’elle avait le droit de vivre en France comme une française, comme doit vivre un italien en Italie et plus largement un européen en Europe.

Le deuxième événement, aussi pittoresque semble-t-il, survint une heure plus tard dans ma boulangerie habituelle où je vis les présentoirs assez clairsemés vu l’heure tardive qu’il était, si bien que ma boulangère ne put me proposer que ce qu’il lui restait en vente.

«  Bonsoir Monsieur, à cette heure-ci je n’ai plus de baguettes mais j’aurai à vous proposer un pain à l’épeautre comme les faisaient nos anciens. Vous savez l’épeautre c’était le blé des Gaulois ? »

A ce moment-là, en moins d’une minute, il m’est passé dix mille choses dans la tête. Moi, mes anciens, ils achetaient leur pain juif, leur yiddish broït, faisaient leur gâteau au pavot à Varsovie rue Ciepla, et parfois ils finissaient les matzot qu’il restait de Pessah. Mais le discours xénophobe que j’avais entendu une heure avant dans mon véhicule, loin de l’innocence de ma petite boulangère bien sûr, résonnait encore dans ma tête, aussi je me disais…

Et si un jour on ne trouverait plus de matzot pour Pessah ? Et si un jour le fils d’émigré que je suis était pointé du doigt parce qu’il n’était pas un client fidèle du charcutier, voisin de ma boulangère ? Et si un jour on relevait qu’il y a plus de consonnes que de voyelles dans mon patronyme ? Et si un jour on oubliait que je suis né au coin de la rue Jacquemont et de l’avenue de Clichy près du métro Guy Môquet ? Et si on me demandait pourquoi Rachel ma petite-fille porte le prénom de son aïeule ?

Et bien j’ai sans doute trouvé la réponse à toute ces interrogations, j’irai jusqu’à dire la solution la seule. Je glisserai dans quelques jours mon bulletin de vote dans l’urne afin d’apporter ma pierre à un édifice que je veux solide pour nos enfants, une Europe qui serait enfin un espace de concorde et de fraternité.

Alain Kaminski
Rueil-Malmaison