Billet : Il lui trouva de la majesté
Par Alain Kaminski
En cette triste période où voyager librement commence à devenir un rêve, on se contente parfois de ses souvenirs de voyages et on se délecte des moments délicieux que l’on a pu vivre une fois dans sa vie, ceux que l’on n’oublie jamais.
C’était il y a environ vingt-cinq ans, je tenais ma promesse d’accompagner en Israël un ami à qui j’avais promis ce voyage, sillonner tout le pays et lui faire découvrir des paysages magnifiques, des gens merveilleux et un peuple dont l’ouverture d’esprit était bien mise à mal par des médias obtus et aveuglés de mauvaise foi.
Ça commençait mal avec le chauffeur de taxi qui nous emmenait à Roissy et, apprenant notre destination, nous demandait si ce n’était pas dangereux d’aller là-bas. Mon ami, lui, ne connaissait pas du tout Israël et n’en était resté qu’à ce qu’il entendait en France c’est-à-dire le plus grand mal.
D’aucuns auraient pu intituler ce souvenir « Voyage d’un goy en Israël » mais j’ai tellement horreur de ce terme que je le substitue rapidement par « Voyage avec un ami chrétien en Israël ». L’arrivée à l’aéroport fut peu ou prou mouvementée par un questionnaire façon garde à vue au guichet de contrôle des passeports. Je découvris par la suite, ce que j’ignorais, qu’il avait pour deuxième, troisième et quatrième prénom Christophe, Mathieu et Ambroise.
Il a donc eu droit à : pourquoi vous venez en Israël, où allez-vous séjourner, qui allez-vous rencontrer, combien de temps allez-vous rester, votre famille elle sait que vous vous rendez en Israël ? J’en passe et des meilleures. Je le rejoignis rapidement au guichet pour dire que je l’accompagnais car l’interrogatoire devenait insupportable d’autant plus qu’il avait affirmé avoir l’habitude des problèmes de sécurité depuis qu’il avait fait… la guerre d’Algérie. Je lui ai dit que ce n’était quand même pas la peine de commencer par là mais j’avoue que pour une première approche du pays, on pouvait effectivement faire mieux.
Puis notre arrivée à l’hôtel à Tel-Aviv se fit sans encombre avec un chauffeur qui conduisait en mangeant pendant que la radio hurlait des chansons en arabe, bref le décor était rapidement planté. Mais mon ami était content… du dépaysement sans doute. Le soir, on traversait Tel-Aviv à la recherche d’un resto sympa, il découvrait une ville si animée, une jeunesse pleine de vie et ça lui plaisait beaucoup, ça tranchait déjà avec tout ce qu’il avait entendu auparavant. Il avait apporté des guides, des cartes et se demandait pourquoi Tel-Aviv qui signifie littéralement colline du printemps était une ville sans colline aucune, pas même un faux plat. Je lui répondis qu’on était loin de la Rome aux sept collines mais à Yaffo, à droite vers la mer, il y a une petite rue qui monte un petit peu.
Le lendemain, on quittait la région en voiture, notre périple se passa dans des conditions presque magiques, j’étais très content, on arrivait en Galilée avec ces hauts lieux du christianisme qu’il voulait voir, Tibériade où nous fîmes une halte pour déjeuner dans un restaurant de poissons. Un petit guide lui expliquait que l’endroit était celui de la pêche miraculeuse si bien qu’il commanda un filet de Saint-Pierre et s’entendit dire que ce poisson était pêché dans l’Atlantique Nord et non en eau douce et qu’effectivement beaucoup de clients demandaient ce poisson pensant qu’il était lié à cette pêche miraculeuse. On avait appris quelque chose tous les deux. Escale le soir dans un kibboutz qui lui réservait un accueil des plus chaleureux et le lendemain il voulut voir le Lag Baomer ! Décidemment ces petits guides où la Galilée mélange tout, je dus lui dire qu’on n’était pas au Canada dans la région des Grands Lacs et que son Lag Baomer était une fête joyeuse du calendrier hébraïque. Mais j’avoue qu’il en avait plein les yeux, les sites, la chaleur humaine, un pays qui n’avait rien à voir avec ce qu’il avait entendu auparavant, répéta-t-il sans cesse. Nous nous rendîmes à Haïfa dont la baie n’avait rien à envier à d’autres panoramas, précisa-t-il. Le lendemain, départ pour Jérusalem, la route est belle, la ville de la paix l’éblouissait par ses lumières, elle l’accueillait si bien qu’il lui trouva de la majesté, me dit-il en arrivant.
Le soir, chose promise chose due, un repas de chabbat chez des amis communs que nous connaissions de Paris. Il me demanda très sérieusement s’il fallait s’endimancher pour le chabbat. Mon éclat de rire passé, je repris mon souffle pour lui dire qu’il fallait a minima « s’enchabbater » et nous avons passé un moment d’immense cordialité autour d’une table pleine de saveurs et de couleurs.
Le périple se poursuivait avec des moments et des rencontres plus riches les uns que les autres, puis nous étions de nouveau à Tel-Aviv et enfin ce fut le retour à Paris.
A son retour, il pouvait raconter tout ce qu’il avait découvert, cette nation déjà portée sur la technologie, lui qui était ingénieur de métier, cette nation tant attachée à la démocratie, lui qui avait été parlementaire, ce peuple qui n’aspirait qu’à la paix et la joie de vivre, lui qui avait croisé tant des journalistes qui affirmaient toujours le contraire.
A son retour, Israël avait changé la vision d’un homme mais comme il me le soulignait, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour changer les hommes.
Il me remercia du fond du cœur de l’avoir aidé à trouver ce chemin.