On a pataugé dans la fange

Il y a des moments où les événements se conjuguent, où le passé tutoie le présent, c’est là notre devoir de mémoire et les émotions ressenties nous imprègnent toujours fortement par la solennité des moments, le travail accompli sur soi-même, la force des instantanés.
Au cours de ces derniers jours, à l’occasion du 70ème anniversaire de la naissance de l’Etat d’Israël, j’ai pu voir des images qu’aucun événement ne pourra effacer, des chorégraphies magnifiques offertes par une jeunesse éblouissante, fière de fêter un miracle.
Mais je m’y attendais un peu, les grands medias n’ont pas daigné relayer l’événement faisant litière de l’existence irréfragable de l’Etat d’Israël.
Il y a quelques jours seulement, autre chorégraphie, j’ai vu les doigts du virtuose franco-israélien Yaïr Benaïm danser sur les cordes de son violon, interprétant les œuvres de grands compositeurs juifs ayant fui le nazisme pour gagner la Palestine d’alors. Ces compositeurs sont devenus des références dans l’enseignement de la musique en Israël mais quels medias, quels milieux musicaux dits autorisés ont fait connaître Paul Ben-Haïm, Odön Partosh et Mark Lavry, trois compositeurs de génie dans la mouvance de Bartok. Là encore, une entreprise de négation, celle de l’Histoire de la musique en Israël, me semble avérée.
Combien d’années faudra-t-il au monde entier pour reconnaître ce que l’Etat d’Israël a pu apporter sur le plan culturel et combien de décennies faudra-t-il aux artistes de monde entier pour admettre que cet apport culturel, quel que soit son domaine, est un gage pour la paix dans une région où des références et des talents restent interdits voire sacrifiés sur l’autel de l’intolérance.
En observant la même semaine les cérémonies commémoratives de la naissance de l’Etat d’Israël, en entendant Yaïr Benaïm en concert, en vivant ces deux moments exceptionnels, j’ai constaté que le judaïsme pouvait inspirer l’art, le mettre au service de la Mémoire et de la paix au moment où il dérange encore au XXIème siècle.
La seule démocratie du Proche-Orient fête son 70ème anniversaire et si la météo actuelle est certes plus variable qu’à l’accoutumée, ce mercredi 18 avril 2018, alors que l’on dansait dans les rues de Tel-Aviv, alors que le peuple juif retenait ses larmes pour commémorer six millions de morts, les médias français ont consacré la journée entière, parfois en boucle, à un record de chaleur inégalé depuis 1949 dans certains départements.
Une fois encore, dans les salles de rédaction des grandes chaînes de télévision, on a pataugé dans la fange et en occultant le message de paix du peuple d’Israël, en lui infligeant cette avanie, on s’est montré plus que jamais irrespectueux d’icelui.

Alain Kaminski
Président des Amis Israélites de France

Paru dans Actualité Juive le 3 mai 2018