Livre : J’avais 10 ans à Bergen-Belsen par Léon Placek
Par Alain Kaminski
Le livre de Léon Placek est bouleversant.
« L’hiver les corps étaient glacés, l’été c’était l’inverse, les insolations, le soleil qui brûle les visages, les bras, les jambes. On s’attribue les vêtements des défunts, un mort de plus suffit à nous rhabiller ».
Léon Placek nous raconte l’indicible. Il est emmené à Drancy avec sa mère et son frère, sa mère qui croyait que le statut de prisonnier de guerre en Allemagne de son mari allait protéger sa famille. A Drancy il verra un homme se défenestrer. A Bergen-Belsen, il verra les rats dévorer les cadavres jusqu’au jour où il verra un détenu se livrer au cannibalisme pour survivre. Il culbutera sur les cadavres, à dix ans et demi, il sera « adulte ». A la libération du camp dans un premier temps par une horde de soldats russes venus de Mongolie avant l’armée britannique, le typhus le plongera dans un coma d’où il sortira mais apprendra la mort de sa mère pendant l’évacuation. Un récit poignant.
Paul Kelter était un cousin germain de mon grand-père maternel, issu de la branche familiale qui avait quitté la Pologne pour l’Angleterre. Je lui rendais souvent visite à Londres. De condition très modeste, il vivait dans les Rothschild Building, ces « HLM » du quartier juif de White Chapel. Il me racontait parfois ce 11 avril 1945, lorsqu’il portait l’uniforme de sa Majesté, que son bataillon pénétra dans le camp de Bergen-Belsen. Il avait gardé dans sa mémoire tout ce qu’il avait découvert dans le camp, le regard des rescapés, hommes, femmes, enfants. A la libération du camp, avec quelques soldats juifs de son bataillon, il entra dans toutes les maisons de la région, proches du camp, pour dérober tous les objets que les allemands avaient pillés aux juifs et pour les remettre à d’autres familles juives en Angleterre ou ailleurs. Il me remit un bougeoir de Shabbat et un petit solifleur en marbre. Je les conserve précieusement, ils portent en eux une mémoire.
Je pense à lui en écrivant ces mots, lui qui a peut-être croisé le regard de Léon Placek.
Je vous recommande le livre de notre ami Léon Placek, le papa de nos chers Marc et Lionel Placek.
Ce livre est à la fois un témoignage et un document, il me rappelle cette phrase de feu mon cousin Paul Kelter à Londres : « Maybe one day someone will write to tell what they lived and say what I saw », Peut-être un jour quelqu’un écrira pour dire ce qu’il a vécu et ce que j’ai vu.
J’avais 10 ans à Bergen-Belsen de Léon Placek en collaboration avec Philippe Legrand, Editions Le Cherche Midi, 156 pages, 15€