Billet : Une place qui a perdu sa place
Par Alain Kaminski
J’ai toujours aimé flâner sur les plus belles places d’Europe. A Thessalonique, la grande place Aristote est éclatante et grandiose. A Vilnius, la place Lukistas est d’un charme irrésistible et à Riga, la place de l’Hôtel de Ville est d’une splendeur rare.
Qui ne serait pas impressionné par la Plaza Mayor à Madrid ? Ces places sont pavoisées du drapeau national qui rappelle une certaine fierté des habitants de ces villes dont le respect des institutions force l’admiration. C’est bien le cas à Prague sur la place de la vieille ville ou à Rome avec sa piazza Venezia dominée par le bâtiment Vittoriano, le monument national dédié à Victor Emmanuel II, et ses drapeaux italiens qui flottent au vent avec élégance et majesté. Ces lieux magiques sont à la fois superbes, séduisants et parfois même époustouflants. La reconstruction de la place du Marché de la vieille ville à Varsovie, saluée par l’Unesco, est remarquable. Je n’oublierai pas la place des Héros à Budapest, magnanime, elle en impose et retrace l’Histoire de la Hongrie.
J’avoue que je n’étais pas retourné très souvent depuis ces huit dernières années à parcourir l’Europe sur les grandes places de Paris, ma ville natale. C’est vrai, lorsque l’on est natif de Paris, on finit par passer devant la tour Eiffel sans même la regarder, au risque de ne pas la respecter.
Tout récemment, je traversai la place de la République et je passai devant ce mythique monument, œuvre de Léopold Morice, inauguré en 1883. Trois statues ornent son piédestal, allégories de la Liberté, de l’Egalité, de la Fraternité. Et par un dimanche hivernal mais ensoleillé, j’ai découvert avec stupeur cette magnifique statue drapée… d’un drapeau algérien. Devant elle, des hommes et des femmes brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire sur les unes République islamique de France ou sur une autre Le grand remplacement prochainement. Toujours sur cette place qui se veut symbole de fraternité, un immense drapeau palestinien accroché entre deux réverbères et sous celui-ci, des hommes tenaient en toute impunité des pancartes affichant la haine d’Israël.
Je me suis alors demandé si la République à laquelle je suis tant attaché avait encore de beaux jours devant elle et dans quel pays allaient grandir mes petits-enfants. Je me suis posé moultes questions. Où étaient passées la force, la sagesse et la beauté que la France avait toujours su montrer au monde entier ? Pourquoi le drapeau tricolore ne flottait-il pas aux quatre coins de cette place emblématique et pourquoi l’ordre public n’interdit-il pas ces manifestations de haine ? Cette France n’était-elle pas en train de sombrer dans les ténèbres et ne devrait-elle pas se mette au plus tôt en quête de Lumières ?