Musique : De Gainsbourg à Gainsbarre, l’histoire de l’homme à la tête de chou

Par Dany Sebon

Tout a été dit et écrit ou presque sur Lucien Ginsburg plus connu sous son nom de scène, Serge Gainsbourg, et qui débuta sa carrière d’auteur-compositeur-interprète à la fin des années cinquante.
Tout le monde garde en mémoire quelques chansons qu’il a composé et interprété et qui ont marqué à jamais le paysage de la variété française de ces dernières décennies comme celles parmi les plus connues que sont entre autres La Javanaise ou le fameux Poinçonneur des Lilas.

Toutefois, il y eut une petite incartade avec une chanson pour le moins ambiguë qu’il signa pour France Gall en 1966 dont le titre était Les sucettes à l’anis et qui suscita de nombreuses réactions suivies d’un certain malaise chez les auditeurs, mais ce ne fut qu’un prélude à la seconde partie de sa carrière et qui mérite quelques explications.
Ces compositions firent partie de la première période du parcours artistique de Gainsbourg, celle qui l’a rendu célèbre pour ses chansons et ses nombreuses musiques de films, sur lesquelles il a largement collaboré, une des plus connues étant celle du Pacha, avec Jean Gabin, et ce de la fin des années cinquante jusqu’au début des années soixante-dix.
L’ascension progressive de ce pianiste de bar, peintre de premier ordre à ses heures perdues, fut remarquable, ses qualités de compositeur hors pair furent d’ailleurs pleinement reconnues et ses nombreuses compositions furent aussi très recherchées et convoitées par un grand nombre d’artistes, hormis sa muse Jane Birkin, comme Brigitte Bardot « BB », Alain Chamfort, Vanessa Paradis, Catherine Deneuve, sans oublier bien sûr Isabelle Adjani à qui il offrit une de ses plus belles chanson Pull marine.
Ces quelques lignes consacrées à ce grand artiste dans toute l’acceptation du terme mettront en relief ces années de totale folie au cours desquelles Gainsbourg dévoilera l’étendue de son immense talent, tout en déployant au grand jour ses fantasmes en n’étant pas jamais avare de déclarations de toute nature.
Aussi, en rapport à ses origines juives ashkénaze il avouera lors d’une interview « Je suis né sous une bonne étoile… jaune », ce qui correspond tout-à-fait au style qui lui était propre et dans lequel il cultivait la dérision, l’ironie et le second degré.
Gainsbourg était un vrai provocateur, un véritable iconoclaste, il le prouva dès le début des années soixante-dix, période durant laquelle il créa son double, son alter égo en quelque sorte, sous le personnage de Gainsbarre.
Le slogan, qui fut d’ailleurs le titre d’un de ses films, Sexe, drogue, et rock’n roll correspondait tout-à-fait à la vie de Serge Gainsbourg.
Ce personnage bourré de contradictions lui permit de s’extérioriser et en conséquence il en fut encore plus créatif et plus passionnant. Il lui permettait de laisser libre cours à toutes les idées qui bouillonnaient dans sa tête de chou, expression qui servira d’ailleurs de titre à l’un de ses albums les plus prestigieux.
C’est très certainement autour de 1967 avec le titre qu’il interprétera en duo avec Jane Birkin Je t’aime, moi non plus, au climat très érotique, que Gainsbourg donna naissance à son clone Gainsbarre très souvent pour le meilleur et malheureusement quelque fois pour le pire.
La chanson avec sa fille Charlotte Lemon incest cultivait bien évidement l’ambiguïté et heurtera son public qui ne lui tint pas rigueur et l’absoudra malgré tout.

Cet artiste protéiforme et touche-à-tout fut toute sa vie dans l’excès d’alcool, de tabac et de sexe mais surtout de musique qui fut et de loin son terrain de jeu favori, la preuve étant les merveilleuses musiques qu’il composa pour lui ou pour d’autres.


Cet artiste protéiforme et touche-à-tout fut toute sa vie dans l’excès d’alcool, de tabac et de sexe mais surtout de musique qui fut et de loin son terrain de jeu favori, la preuve étant les merveilleuses musiques qu’il composa pour lui ou pour d’autres.
On ne peut faire fi de ses nombreuses apparitions à la télévision, qui à chaque fois défrayaient la chronique et pour cette télé qui opte et fonctionne souvent à l’audimat Gainsbarre était un bon client.
Les séquences avec Witney Huston, Catherine Ringer, voire Guy Béart resteront gravées dans les annales de l’audiovisuel français, au même titre que ses passages TV où il brûlait en direct un billet de cinq cents francs ou encore dans l’émission de Michel Polac Droit de réponse en 81 dans laquelle son attitude fut encore très provocante.
Gainsbarre détournera aussi l’emblématique Marseillaise, qu’il interpréta dans une version reggae totalement dénaturée, suivie de propos antimilitaristes très mal vus par l’establishment. Toutes ses attitudes et déclarations furent souvent considérées comme démagogiques et opportunistes, mais Gainsbourg n’en avait cure.

La rumeur courait à l’époque, précisant qu’il ne se rasait pas et se voulait en état d’ébriété avant de passer à l’écran et qu’il cultivait une image, mais n’écoutons pas la rumeur.
Tout ceci ayant été filmé avec talent dans le film Gainsbourg vie héroïque en 2010 de l’excellent réalisateur Joann Sfar et dans lequel l’acteur Eric Almosnino campe un Gainsbourg plus vrai que nature, sans en faire une pâle imitation comme on aurait pu le craindre.
Les différents excès de nombreux breuvages alcoolisés, de substances et de tabac à outrance, auront finalement raison de ce fabuleux créateur qui s’éteindra après avoir vécu pleinement et assez outrageusement, il s’éteindra peu à peu nous laissant orphelin d’un fabuleux artiste.
Ainsi nous quittait l’homme à la tête de chou, celui par qui le scandale arrivait souvent le long d’une Mélodie Nelson.

On espère qu’après sa mort il aura rencontré Dieu qui, avait-il chanté, était fumeur de Havane.
Sa grande demeure située rue de Verneuil à Paris, laissée intacte par sa famille, permettra à tous ses aficionados de se rendre un peu compte du quotidien de Gainsbourg/Gainsbarre puisque depuis peu elle est ouverte au public qui s’y rue en nombre.