Jean-Luc Mélenchon, le CRIF et la mémoire courte

Certes, nul ne pourrait affirmer aujourd’hui que Jean-Luc Mélenchon est antisémite. Et je défie même quiconque de déceler dans la sémantique de ses propos une preuve irréfutable d’antisémitisme. L’homme est bien trop intelligent et bien trop cultivé pour se perdre dans les méandres d’un vocabulaire nauséabond.
Alors comment expliquer ces nouveaux dérapages à l’endroit du CRIF ? La réponse est simple et plurielle.
Tout d’abord, comme beaucoup d’hommes politiques, il a besoin d’une visibilité médiatique constante et en cette veille de trêve des confiseurs, face à un conflit social qui l’étiquette en deuxième démarque, il faut qu’il s’affiche à n’importe quel prix.
Ensuite, les élections municipales approchant, après sa cuisante défaite aux Européennes, une nouvelle déconvenue de la France Insoumise le fragiliserait considérablement au sein de sa formation politique.
Enfin, il sait très bien que sa base électorale se trouve dans des circonscriptions à forte communauté musulmane, antisémite et nourrie au biberon de la haine d’Israël et des juifs en particulier, il lui faut donc caresser cet électorat dans le sens du poil et conforter ce fond de commerce qui seul peut lui garantir un nombre d’élus dans les communes.
Aussi, il s’y applique à commencer par faire oublier cette posture vite enterrée qui nous rappelle que lorsqu’il était membre du gouvernement, il représenta le Premier ministre Lionel Jospin ce 16 juillet 2000 lors de la Cérémonie du Vel d’Hiv. Ce jour-là, il affirmait que le décret du 14 juillet 2000 établissant réparations pour les orphelins dont les parents avaient été déportés répondait à une demande légitime du CRIF. Une reconnaissance de facto du CRIF, …il semble l’avoir bien oubliée aujourd’hui.
On est quand même en droit de se demander si ces dérapages à l’endroit de notre Communauté juive ne seraient pas que la substantifique moelle d’un homme pour un certain électorat qui lui sera nécessaire pour une survie politique personnelle.
Mais il y a danger car on peut se prendre au jeu et les exemples sont pléthores. A force de faire les yeux doux à ses supporters, le sourcil devient sévère, la moue devient dédaigneuse, il ne harangue plus, il éructe. Ce qui arrive à Jean-Luc Mélenchon est déjà arrivé à d’autres dont on n’imaginait pas le cheminement, dont on n’imaginait pas qu’ils fussent antisémites, quoique, et qui le sont devenus en se transformant en porte-étendards de la haine des juifs. De Mélenchon à Dieudonné, le pas est si facile à franchir quand le public est au rendez-vous.
Pour l’heure, Jean-Luc Mélenchon semble assez malin pour éviter de s’estampiller antisémite mais dire qu’il n’aime pas les juifs semble une vérité acquise. Et si d’accuser le CRIF d’avoir favorisé la défaite électorale de l’antisémite britannique Jeremy Corbyn confine au ridicule, cela nous rappelle cependant que ça ne dérange que peu de monde ici ou là de voir les juifs être accusés de tout et de n’importe quoi.
Peut-être viendra ce jour où Jean-Luc Mélenchon se regardera devant un miroir pour s’apercevoir qu’il est lui-même son pire ennemi. Puisse ce jour arriver rapidement à moins qu’un jour meilleur n’arrive, celui qui le verra disparaître une fois pour toutes des écrans radars de la vie politique française.

Alain Kaminski
Rueil-Malmaison