Billet : Cela me rappelle une situation…
Par Alain Kaminski
Je ne suis toujours pas vacciné, je n’ai pas encore l’âge requis. Mais de toute façon, où quand et comment ? On ne peut même pas téléphoner ou naviguer sur le net pour connaître les modalités, savoir qui fait quoi et où et comment. Un ami presque nonagénaire demeurant à Paris s’est rendu dans un grand hôpital parisien tout près de chez lui pour se renseigner voire se faire vacciner, on lui a répondu qu’il était ici dans un hôpital et non pas dans un centre de vaccination, qu’il lui fallait prendre rendez-vous sur internet pour se faire vacciner. C’est finalement son fils demeurant à Strasbourg qui a réussi non sans mal à lui obtenir un rendez-vous pour le mois suivant… à Créteil. On croit rêver.
« Misérable est la ville dont le médecin est podagre et le chirurgien borgne », ce proverbe de la sagesse juive n’aura jamais été autant d’actualité.
Force est d’admettre qu’en matière de logistique la France est la risée du monde entier, on a l’impression que tout cela est organisé par des gosses d’une colonie de vacances.
Notre machine administrative me rappelle une situation dans laquelle je me trouvais il y a une vingtaine d’années et qui m’était insupportable. Je présidais la Commission des Marchés d’une Caisse nationale de Sécurité Sociale. En face de moi quatre administrateurs avec voix délibérative, à mes côtés un directeur général, un Contrôleur d’Etat, un Inspecteur Général des Affaires sociales (IGAS) et un Inspecteur Général des Finances (IGF), les quatre avec voix consultative. Les procédures étaient d’une complexité rare et d’une longueur encore plus rare avec notes de présentation, envoi d’appel à la concurrence, publicité, examen microscopique des cachets postaux, parfois partiellement illisibles, prouvant l’arrivée des plis avant la date limite de l’offre, j’en passe et des meilleures.
Puis ce fut le moment d’ouvrir les travaux de la Commission pour la énième fois pour la tant attendue ouverture des plis puis fixer une nouvelle date pour l’attribution des Marchés sans oublier d’autres étapes, la transmission à un Observatoire qui transmet à un autre Observatoire etc.
Bien entendu toutes ces étapes devaient être parsemées d’une armée mexicaine de signataires de procès-verbaux, des agents de direction aux représentants des ministères de tutelle, le tout validé par un comité directeur qui fera valider par le Conseil d’Administration, lequel peut solliciter l’avis d’une autre Commission également consultative.
Et comme les administrateurs, titulaires ou suppléants, que je convoquais venaient des quatre coins de la métropole, parfois d’outre-mer, il arrivait qu’à cause d’un retard d’avion venant de Pointe-à-Pitre, le quorum ne fut pas atteint et tout ce petit monde se retrouvait sur zone pour rien.
Alors un beau matin, m’attribuant avec ardeur joie et liberté la prépondérance de toutes les voix consultatives, je lançai avec force et vigueur aux hauts fonctionnaires qui m’entouraient : « Madame, Monsieur, vous n’avez pas l’impression que cette grosse machine administrative est un peu lourde pour changer la moquette de la Caisse de Clermont-Ferrand ou climatiser la Caisse de Granges-lès-Valence? » Une réponse, je dirai presque-en la forme accoutumée- ne se fit pas attendre ! « Monsieur le Président, les travaux de notre Commission sont le reflet de notre engagement et c’est à la faveur de notre rigueur que nous mériterons la confiance des usagers. »
J’étais vacciné !