Ne les oublions pas
Nous y arrivons, cette période de fêtes vient de s’écouler.
Roch Hachana, Yom Kippour, Soukot, Chemini Atseret, Simhat Thora, nous étions tous des juifs à notre façon mais nous étions tous là, n’en déplaise à ceux qui pourraient reprocher à d’autres d’être des « juifs de Kippour » ou leur rappeler qu’ils n’avaient pas leur place réservée à la synagogue.
Mais nous étions tous partie prenante pour cette période si riche pour chacun d’entre nous, ne serait-ce que par l’odeur de nos mets de circonstance, sauvegardés jalousement et hérités de nos anciens.
Mais nos anciens, étaient-ils toujours présents ? Pas si sûr.
J’ai croisé cette année encore certains de mes coreligionnaires qui avaient oublié une visite voire même un coup de fil à leurs anciens, leurs parents, leurs aïeux, parfois éloignés ou en maison de retraite. Et quand on n’a plus ses aïeux ou même ses parents, n’a-t-on pas une vieille tante, une lointaine cousine bien seule, un cœur à réchauffer ?
Je croyais que cela n’existait pas chez les juifs mais hélas cela existe bel et bien. On oublie les anciens, on les oublie à certaines périodes où la blessure se fait encore plus profonde.
Eux qui nous ont tant donné à commencer par ce que nous avons de plus précieux, notre éducation, seul bien véritablement transmissible.
Eux qui nous ont tant appris par leur propre vie à fonder un foyer.
Eux qui nous rappellent qu’ils auront toujours un enseignement, un conseil à nous prodiguer.
En cette période de fêtes, j’ai pensé, plus que jamais, que visiter nos anciens restait un moment unique. Je le vis pourtant chaque semaine quand je rends visite à ma vieille maman, toujours chez elle et presque centenaire. Elle n’y voit presque plus rien mais elle parle, se souvient, raconte, je décèle chez elle une hauteur de vue que je n’ai sans doute pas.
Avec mon frère, nos enfants et nos petits-enfants, nous nous relayons pour lui réchauffer le cœur, mais c’est elle qui se soucie de notre bonheur qui est finalement sa seule raison d’être. Elle nous explique par son regard, son écoute et sa simplicité, que seul notre bonheur peut faire le sien.
Je m’interroge souvent sur ces enfants qui oublient leurs parents ou grands-parents et j’essaie de trouver des raisons qui engendrent de telles attitudes mais je n’en trouve pas.
Et s’il devait y en avoir, n’est-il pas le moment, celui de nos fêtes, pour faire abstraction de tout, de pardonner ce qui est somme toute si facilement pardonnable.
Et que dire des frères et sœurs qui ne se parlent plus depuis des décennies ? Là encore, pourrait-on qualifier certaines situations de drames parfois invisibles mais bien vivants pour nos anciens.
Essayons bien sûr d’être tolérants mais parfois la colère s’exprime et je n’ai pas assez de mots pour qualifier ceux qui auraient délaissé nos anciens si ce n’est que de croire à un homicide involontaire pouvant entraîner la mort sans intention de la donner.
Alain Kaminski
Secrétaire général de la Fédération des Sociétés Juives de France
Initialement publié le lundi 8 octobre 2018