Que nos anciens se rassurent
Depuis quelques jours, nombreux sont nos coreligionnaires très inquiets après avoir entendu parler d’une réforme touchant les pensions de réversion.
Plus nombreuses encore, les femmes puisque 89 % des bénéficiaires de ce droit dérivé sont des veuves percevant en moyenne 650 euros par mois. Les bénéficiaires de ce droit dépassent les 4,4 millions d’assurés dont 1 million ne disposant d’aucun droit propre.
Par ailleurs, les principales charges supportées par un conjoint survivant restent exactement les mêmes, loyer, charges de copropriété, etc.
Pourquoi cette inquiétude chez les nonagénaires de la Communauté juive ? Explications.
Les lois antisémites du Régime de Vichy avaient exclu toute une génération de jeunes des écoles et des collèges lesquels devaient abandonner l’idée de faire des études afin de sauver leur vie.
Au lendemain de la guerre, des milliers de jeunes adultes ont fondé un foyer et se sont dirigés vers des professions relevant du commerce ou de l’artisanat. Ils ont travaillé sans relâche avec leur conjoint qui n’avait aucun statut, ne bénéficiant que d’un droit dérivé en matière de prestations santé en vertu du lien qu’ils avaient avec un assuré social, c’est le droit dérivé aux soins.
Les conjoints survivants atteignant un grand âge bénéficieront bien plus tard du deuxième droit dérivé, celui à pension, c’est la fameuse pension de réversion. Mais lesdits conjoints n’ayant jamais cotisé ne disposeront d’aucun droit propre, n’ayant validé aucun trimestre.
Ce n’est qu’en 1984 que le conjoint d’un commerçant pourra devenir conjoint collaborateur avec la faculté de cotiser afin de se créer un droit propre mais cela restait facultatif et peu de conjoints, pour des raisons économiques ou mal conseillés, ont adhéré à ce nouveau régime des conjoints qui ne devint obligatoire que le 1er juillet 2007 à la faveur de la création du Régime social des Indépendants, le RSI.
Aujourd’hui la situation est difficile pour les veuves percevant une petite pension de réversion parfois rehaussée au minimum vieillesse devenu l’ASPA, cette allocation de solidarité aux personnes âgées… récupérable sur succession.
Bien sûr, certaines entreprises commerciales ou artisanales furent florissantes et ont permis à leurs dirigeants d’assurer leurs vieux jours mais tant d’autres n’ont pas connu de la même façon les Trente Glorieuses et sont actuellement dans une situation difficile.
Certes, une réforme en profondeur des pensions de réversion s’impose naturellement, le législateur ne peut plus laisser éternellement une quarantaine de régimes de retraite affichant avec mépris les plus humiliantes inégalités entre les citoyens.
La Sécurité sociale se doit d’évoluer, harmonisation et moyens d’existence pour tous étaient bien inscrits dans les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, texte fondateur de la Sécurité sociale que l’on doit à Pierre Laroque… lui-même évincé de la haute fonction publique quatre ans plus tôt pour ses origines juives.
Mais que nos anciens se rassurent, il ne s’agit pas aujourd’hui de remettre en cause les pensions liquidées, une telle révolution conduirait à plonger dans la misère de nombreux citoyens et je pense à celles et ceux qui vivent des temps difficiles, qui ne disposent pas d’un patrimoine, qui ont été spoliés, qui ont survécu à la Shoah, et dont le parcours de la vie a été jonché d’épreuves personnelles si douloureuses.
Alain Kaminski
Administrateur de la Sécurité Sociale des Indépendants
Ancien administrateur national du RSI
Paru dans Actualité Juive le 30 août 2018