Portrait : Léa Bar-Am née Silberstein (1899-1972)
Par ses petits-fils Michel et Alain Kaminski
Elle se prénommait Léa, on lui donna le prénom de sa mère Léa Silberstein née Rozen, décédée en couche en 1899. Son père ayant disparu dans la nature après ce drame, le bébé fut recueilli, élevé par sa tante, la sœur cadette de la défunte.
Léa grandit à Varsovie. Adolescente difficile et ingérable mais qui finit toutefois, à son époque et dans son quartier juif, par être sage-femme et infirmière diplômée d’Etat à l’Hôpital central de Varsovie. Puis elle épousa un certain Mayer Kamiński, clerc de notaire et passionné d’opéra, le couple évolua dans un milieu intellectuel assez éloigné des préoccupations de la rue Ciepła, ils eurent deux garçons magnifiques, Léon Szlama dit Szlamek et Reuven Nahum dit Nioutek.
La suite des événements fut plus romanesque. Léa fut, disait-on, une très jolie femme aux dents façon publicité pour Colgate et aux yeux d’un vert émeraude exceptionnel. Un peu ronde mais ça plaisait beaucoup à l’époque, paraît-il. Elle était très courtisée et, fait rare à l’époque, divorça pour rejoindre en France son amant, un certain Heniek Klugman, érudit et grand talmudiste, toujours tiré à quatre épingles, au physique de dandy. Son fils aîné Léon Szlama la rejoignit juste avant la guerre, l’autre sera happé avec son père dans la Varsovie de l’occupation nazie.
Pendant la guerre elle se réfugiera dans les Pyrénées avec de faux papiers au nom de Léontine Muller, alsacienne native de Mulhouse. Il faut dire qu’elle maîtrisait l’allemand et le français, son don pour les langues vivantes était avéré. Après vingt années de vie commune, elle quittera son compagnon pour émigrer en Israël au moment de l’indépendance puis elle rencontrera et épousera un certain Moshé Bar-Am, directeur de la Compagnie d’électricité à Tel-Aviv.
Avec lui, elle militera au sein du parti travailliste, fréquentera l’intelligentsia de Tel-Aviv, Ben Gourion et tous les fondateurs de l’Etat juif qu’elle recevra chez elle avec les cocktails et les réunions à n’en plus finir. Son troisième conjoint décédera après un temps relativement court, et Léa continuera d’être courtisée et de fréquenter le tout Tel-Aviv avec le français, l’allemand, le polonais, le yiddish, l’hébreu, et des notions de russe, rien que ça. Son fils aîné construira son foyer à son retour de déportation et sa mère, distante géographiquement, restera sa mère. Après avoir badiné, marivaudé, la maladie l’emportera en 1972 à l’âge de 73 ans, elle repose en paix au cimetière de Holon.