Patronymes : Prenez-en de la graine

Par Alain Kaminski

C’est vrai qu’il était délicieux le gâteau aux graines de pavot de ma grand-mère à Menton. Mais peut-être d’autres grands-mères en préparaient également et ce pavot, nous le retrouvons régulièrement sur nos tables. Nos amis juifs tunisiens, nos « tunes », comptent beaucoup de Coskas, de Koskas ou Coscas voire des Koshkash de l’arabe khashkas qui signifie le pavot. Autrement dit, pour celles et ceux qui pensaient que le as à la fin venait du grec ou du lituanien, c’est raté. Mais n’oublions pas les autres, Mak, en polonais le pavot, nous a donné nos Makowski et des Makowieć, des Màkos chez nos juifs hongrois et des Màkovy chez nos juifs tchèques et slovaques. Sur le marché de Vintimille, un juif italien, un ebreo comme il se disait, vendait des gâteaux et se nommait lui-même Papavero, le pavot en italien. Les graines de pavot se retrouvaient dans de nombreuses pâtisseries, des familles juives stambouliotes se nommèrent Khaskash, le pavot en turc. On ne confondra pas, bien entendu, avec les Corcos ou Karkous qui, eux, ont pour origine la ville espagnole de Corcos dans la province de Valladolid.
Alors pourquoi tous ces patronymes liés au pavot, me direz-vous ? On pourrait imaginer que ces noms furent attribués aux consommateurs d’opium, aux cultivateurs de ces plantes herbacées, mais le lien semble plus probable avec les métiers de la pâtisserie. Si les anciens comme moi se souviennent des paroles de Mouloudji, « gentils coquelicots mesdames », le coquelicot est lui aussi un pavot et on aime bien voir les coquelicots. D’autres penseront à Meyer Koskas, journaliste et rédacteur de plusieurs journaux judéo-arabes en Tunisie au début du siècle dernier.