Billet : Le devoir de mémoire, un vaste chantier

Par Alain Kaminski

Quelques semaines après la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, je m’interroge encore sur le devenir du devoir de Mémoire. C’est effectivement un vaste chantier. Force est d’admettre qu’à la lumière de quelques expériences personnelles très récentes, les travaux de ce chantier ne me semblent pas terminés car, tout en n’aspirant pas au repos, ils rencontrent sur les parvis quelques pierres mal dégrossies prêtes à perturber un travail si nécessaire.
J’avais éprouvé beaucoup de fierté il y a quelques mois lorsque je fus désigné pour être correcteur du CNRD, le Concours National de la Résistance et de la Déportation. Il m’appartenait donc de participer à la remise des prix pour des lauréats qui avaient beaucoup travaillé sur des sujets relatant une époque antérieure à la naissance de leurs parents voire de leurs grands-parents. La remise des prix dans mon département se tint en un lieu hautement symbolique, le Mont Valérien, symbole de la France Libre. Aux côtés de madame Nadège Batista, préfète déléguée à l’égalité des chances dont le propos fut très fort d’émotion, de monsieur Benamar Benzemra, proviseur de lycée et conseiller défense, mémoire et citoyenneté que je retrouvais, un homme exceptionnel et d’une grande chaleur humaine, je remettais des prix, des livres ceints d’un drapeau tricolore à de jeunes collégiens et lycéens des Hauts-de-Seine dont la satisfaction et la distinction suscitaient mon émotion.
Mais il y avait quelque chose qui me gêna tout au long de cette cérémonie. Le recteur de l’Académie était absent, sans excuse aucune. Puis je constatais le pire, aucun élu de la nation, du département alors je voulus, en rentrant chez moi, savoir pour quelles raisons ces élus n’avaient pas honoré de leur présence cette remise de prix au Mont-Valérien. Aucun maire, aucun député ou conseiller départemental, aucun adjoint qui pourtant avaient pour mission, eu égard à leur délégation, d’être présents ou représentés, le CNRD étant un concours national. Une rangée de chaises vides ressemblant à une colonne bien dégarnie.
Je trouvais finalement la réponse, elle est aussi irrespectueuse qu’humiliante et celles et ceux qui ont payé de leur vie la défense de leur pays doivent se retourner dans leur tombe quand ils en ont une, ce qui n’est pas toujours le cas.
Sans passer en revue toutes les communes du département, j’ai pu constater que la délégation au monde combattant, à la Mémoire, était une mission qui laissait indifférents les conseils municipaux. Dans certaines communes cette délégation est attribuée à un adjoint au maire, ajoutée à d’autres missions qui n’ont rien à voir, dans d’autres c’est un conseiller municipal au rang protocolaire bien lointain, parfois c’est personne. A Puteaux, un adjoint aux anciens combattants et… à la commande publique. A Neuilly-sur-Seine, il est adjoint au maire chargé des actions patriotiques et de l’urbanisme… comprenne qui voudra. A Courbevoie, un conseiller municipal à la jeunesse, aux anciens combattants et à la citoyenneté. A Saint-Cloud, anciens combattants et urbanisme, à Suresnes qui abrite le Mont-Valérien, un adjoint chargé des actions mémorielles, de la sécurité et de la prévention, mais absent et non représenté pour le CNRD… no comment.
A Nanterre, préfecture du département qui abrite le Mémorial de la Résistance et de la Déportation, un conseiller municipal délégué.
Mais le premier prix du mépris et du dédain revient à Asnières-sur-Seine qui nous a «concocté» un adjoint au maire délégué au monde combattant, à la propreté, à l’hygiène et à la collecte.
J’en conclus que tous les manquements de ces élus si éloignés de l’intérêt général restent liés à une indifférence totale du devoir de Mémoire et à une accoutumance à l’irrespect.
Je citerai quand même Levallois-Perret qui a un adjoint au maire délégué aux anciens combattants, à la Mémoire et aux questions de défense. Bravo.
Mais je ne peux rester indifférent à ma commune impériale que j’aime tant. C’est le pompon me direz-vous. Un 16ème adjoint, chargé des anciens combattants et des risques majeurs, du développement durable, de l’environnement, de l’hygiène… et des procédures de péril.
Mais n’est-ce pas le devoir de Mémoire qui est en péril à force de nous faire accroire qu’il y a des sentiments quand ils n’existent pas. 
J’entends souvent dire qu’une délégation au monde combattant et au devoir de Mémoire n’occuperait pas à plein temps ni à mi-temps l’élu qui la reçoit. Peut-être.
Je me suis même laissé dire que la critique était facile et qu’elle ne devait jamais s’exonérer de propositions. Soit.
Alors pourquoi ne pas attribuer cette délégation aux élus délégués à l’enseignement et au monde scolaire ?
Cette idée fondée sur la transmission ne donnerait-elle pas tout son sens au Concours National de la Résistance et de la Déportation.