Le billet : Puissent nos mains s’entrelacer

Par Alain Kaminski

Je me suis toujours demandé quelle légitimité pouvait me permettre un jugement honnête sur ce qui divise la société israélienne, avant et pendant cette guerre interminable. Et comme d’autres, confortablement installés dans leur fauteuil à des milliers de kilomètres d’Israël, se forger une opinion ou avoir un avis bien tranché relève peu ou prou d’une forme d’ingérence. Nous nous trouvons pour ou contre telle ou telle politique, tel ou tel mode de vie dans cet Etat juif qui ne sait plus s’il doit être laïc ou religieux, démocratique ou autoritaire. Aujourd’hui et de loin, nous assistons à ce que la France, dans le mitan du XVIIème siècle, appelait dans un tout autre registre bien entendu la Querelle des Anciens et des Modernes. Israël vit ce clivage entre les laïcs que je respecte parfaitement et les observants modérés que je respecte tout autant. Mais Israël est en guerre, ses enfants luttent et meurent pour défendre leur beau pays quand d’autres, au nom de la sauvegarde du judaïsme, ne le défendent pas allant jusqu’à affirmer que seules les prières pourront ramener la paix. Quand d’autres, si loin de la réalité d’un pays si menacé dans son existence, vont jusqu’à créer des formations politiques pour orienter la démocratie et l’économie à leur profit. C’est bien sûr insoutenable. Israël accepta au moment de sa création de se priver de Constitution, rendant possible une législation religieuse. La société israélienne, au quotidien, en paie le prix fort sur le plan économique et un lourd tribut sur le plan sécuritaire avec une partie de sa population peu productive et totalement éloignée de la défense du pays. Personnellement j’observe, ça reste légitime, et je m’indigne, ça le reste également.
Mais au nom et sous les auspices de ma libre conscience, je me garderai bien de clamer haut et fort, en ces moments où trop de jeunes à la fleur de l’âge deviennent tragiquement des héros d’Israël, qu’il faudra bien que d’autres un jour rendent des comptes. Je m’en garderai bien car il y a des moments où la querelle doit laisser place à l’apaisement afin que nos mains s’entrelacent pour faire progresser de grandes espérances.