Les patronymes : Hommage à mon professeur d’Histoire-géographie
Par Alain Kaminski
Mes camarades de classe, juifs tunisiens, me racontaient Tunis, Djerba, Souss, Sfax, et surtout Tunis et son lycée Carnot comme d’autant de souvenirs heureux avec bien sûr l’environnement culinaire incontournable chez les « Tunes » pour reprendre ce terme qu’ils s’étaient eux-mêmes attribués. Dans la même classe, j’avais un Sportès, les six portes en espagnol, et trois rangs derrière un Chicheportiche, même signification. Et au tout premier rang, plus petit par la taille et même par le nom écourté, un très sympathique Bruno Chiche. Nous avions également, toujours dans mon cher lycée Jacques-Decour, un Tartour, en arabe le grand bonnet de laine à la turque, et bien sûr un Uzan, de l’arabe wazzan, le peseur. Un fort en thème était Gabsi qui venait comme son nom l’indique de Gabès et son inséparable Zerbi, le djerbien, paré de deux gourmettes en or et d’une énorme étoile de David, il nous parlait de sa ville natale, Djerba, où sa famille était dans la bijouterie et l’or en particulier depuis la nuit des temps.Toutes les classes avaient leur Sitbon ou Scetbon ou Chitboun, en arabe le bûcheron.
Mon professeur d’Histoire-Géo était Monsieur Elhaïk, de l’arabe hâyk, la grande pièce d’étoffe avec laquelle les femmes se drapaient avec élégance. Puis j’avais pour enseignant Monsieur Jacques Taïeb, littéralement le bon, pour lequel j’aurai une pensée toute particulière car il ne doit plus être de ce monde aujourd’hui vu mon âge avancé.
Nous avions ensemble parcouru les rues de Belleville pour relever les patronymes juifs tunisiens sur les boîtes aux lettres, il voulait écrire un livre sur l’implantation des juifs tunisiens dans les rues de Belleville. Je lui dois ce que je sais de ces patronymes, je pense si souvent à lui.