Patronymes : Nés pour se rencontrer
Par Alain Kaminski
Dans le mitan des années soixante, il n’y avait pas d’endroit plus facile pour apprendre le yiddish, hormis mon foyer, que mes différentes classes du lycée parisien Jacques-Decour. En effet, de très nombreux familles juives ashkénazes demeuraient dans ce petit « shtetl » qu’était la rue des Martyrs, l’avenue Trudaine et la rue Lamartine avec la proximité de la synagogue de la rue Buffault.
Hecht ou Szczupak en polonais étaient tous les deux des brochets et Kruk était l’hameçon et ils s’entendaient très bien tous les trois.
Nous étions très yiddishistes et comprenions parfaitement qu’il était amusant de les voir toujours ensemble, Weintrater le négociant en vin et Wasserman le porteur d’eau.
En revanche le grand Milhktiker, le laitier, ne s’entendait pas du tout avec le petit Waisflasz littéralement la viande blanche. Peut-être voulaient-ils qu’on ne mélangeât pas le produit laitier avec le produit carné… Néanmoins, en éducation physique, Jaeger, le chasseur, courrait bien aux côtés de Hirsch, le cerf.
Plus tard, « dans les grandes classes », avec l’arrivée des juifs séfarades, un sympathique garçon venu de Thessalonique, Israël Gallipapa (du suffixe grec qui signifie le père) tomba éperdument amoureux d’une juive native du Maroc, Jocelyne Maman, nom qui rappelle que l’origine est la ville espagnole Meaman dans la province d’Orense en Galice. Ils s’installèrent bien plus tard dans un petit logement, apposèrent sur leur porte une petite plaque sur laquelle on pouvait lire : Ici, papa et maman !
Publié dans Actualité juive n°1613