Portrait : Léon “Szlamek” Kaminski (1920-2011)
Par ses fils Michel et Alain Kaminski
Pas un jour sans penser à lui,
Szlamek Kaminski vit le jour le 12 décembre 1920 au 19 de le rue Ciepła, dans le quartier juif de Varsovie. Son petit frère Nutek naquit trois ans plus tard. Ses parents, Mayer Kaminski et Léa née Silberstein, de condition modeste, divorcèrent dès son plus jeune âge et les deux gamins furent élevés par une grande tante, Sarah Gutman née Rozen.
Son père poursuivit sa petite carrière dans une étude de notaire où il était clerc aux formalités, sa mère était sage-femme à l’hôpital central de Varsovie mais elle exerça très peu de temps et quitta la Pologne pour la France, pour une nouvelle vie.
Szlamek était un bon élève, il fut aussi scout dans les mouvements juifs et très protecteur de son petit frère.
Adolescent, il put obtenir un visa pour venir en France, rejoindre sa mère, avec l’idée de faire venir le petit frère dans la foulée ce qui, malheureusement, ne se fera jamais car la guerre éclata, les frontières se refermèrent.
En France, c’est Léon Szlama puis Léon qui arriva, il s’inscrivit dans un cours de français aux Arts-et-Métiers où il apprit l’électricité dans le même temps et fréquentait le Foyer ouvrier juif de la rue Béranger avec la bienveillance de ses dirigeants Mrs Brycman, Lerman et Makowski. Son intégration se faisait à pas de géant, il ne maîtrisait pourtant que le polonais et le yiddish bien entendu. En 1943, il intégrera un réseau de Résistance dans le sud de la France, sa mère, elle, était cachée à Tarbes. Ce réseau dit le réseau du Marquis se distingua par des actes héroïques mais, dénoncé, il fut pris sous le feu de la mitraille allemande et les blessés qui se relevèrent ne purent que constater la mort des autres. Léon, blessé, est arrêté et emmené avenue Trespoey à Pau à la Villa Saint-Albert, le siège de la Gestapo bien connu pour ses « maltraitances ». Puis il est emprisonné au fort du Hâ à Bordeaux, ce fort étant le vivier des otages pour l’occupant allemand, là où un certain Maurice Papon était aux ordres de l’ennemi pour gérer tout cela, comme ce fut rappelé lors du procès d’icelui.
Il a 23 ans, la guerre était le quotidien de Léon, sa mère apprendra son départ pour la région parisienne mais aussi déportation en camp de concentration.
En Pologne c’est le ghetto de Varsovie, c’est aussi Treblinka, son père et son petit frère disparaitront à jamais de même que les cinq sœurs et les deux frères de son père et leur famille, Léon ne reverra plus jamais ceux qui l’ont élevé et choyé dans sa Varsovie natale.
Distant d’une mère qui ne l’a pratiquement pas élevé, seul, il se retrouvera à la libération dans un centre de « rétablissement » de santé mis à la disposition des rescapés des camps revenus dans un triste état. Buchenwald est libéré le 11 avril 1945. Il est rapatrié sur la France, une Commission médicale lui reconnaîtra le 5 juin 1945 dix-neuf infirmités définitives liées à 23 mois de détention. A 24 ans et aussi 35 kilos il est reconnu grand invalide de guerre. C’est dans ce centre qu’une jeune fille volontaire, Regina Letzt, pensant peut-être retrouver son fiancé déporté mais qui ne reviendra jamais, voulait faire montre de son dévouement. Les mois passèrent, cette jeune fille tomba amoureuse d’un jeune déporté beau gosse qui parlait français avec un accent yiddish et yiddish avec un accent polonais, ils se courtisèrent et après une santé peu ou prou recouvrée, le jeune polonais aux yeux verts clairs l’épousera au printemps 1947.
Les mois passèrent, Léon avait appris le métier de tricoteur chez le compagnon de sa mère et le couple s’installa rue Saint-Denis à Paris. Ils exercèrent peu de temps, eurent un fils, Michel, né en 1948 puis ils se lancèrent dans le commerce non sédentaire de textile, une activité qui les fera vivre gentiment sans devenir une multinationale, loin de là. Un second fils, Alain, naquit en 1952, la famille était comblée.
Léon restera très attaché aux monde associatif, celui des anciens déportés, celui des anciens résistants.
Au lendemain de la guerre, il recevra la Médaille de la Résistance, puis la Croix de Guerre avec citation et la Médaille militaire avec le titre de soldat de la Résistance. Quelques années plus tard, il sera vice-président de l’UNDIVG (Union nationale des déportés, internés et victimes de Guerre), et assistera à toutes les commémorations liées à la déportation, à la Résistance. Il sera fait chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur à titre militaire et se fera beaucoup d’amis au sein du milieu associatif, il sera aussi vice-président des Amis israélites de France dans les années soixante-dix. C’est en mars 2011, deux mois avant qu’il ne quitte ce monde, qu’il sera élevé lors d’une cérémonie aux Invalides, au grade d’officier dans l’Ordre de la Légion d’honneur.
Léon Szlama Kaminski s’en est allé à l’âge de 90 ans. C’est en suivant un cercueil recouvert d’un drapeau tricolore que le grand rabbin Haïm Korsia, alors aumônier militaire, accompagnera Léon Szlama Kaminski à sa dernière demeure, suivi de près de deux cents personnes.
Le quartier juif de Varsovie, l’univers concentrationnaire, Léon a reconstruit, fondé un foyer, sa petite tribu, son clan, comme il le voulait, lui qui était revenu seul de l’enfer.
Sa petite tribu qu’il surveillait comme le lait sur le feu jusqu’à son dernier soupir, est un petit arbre généalogique à elle toute seule, composé de deux enfants, quatre petits-enfants et onze arrière-petits-enfants. Avec son épouse Regina, Michel et Evelyne (z’l) lui donnèrent la joie de David, Laura et Benjamin et les petits-enfants Stella et Clara, et Ava, Simon, Elsa et Samuel, et Noah et Solal. Alain et Annie lui donnèrent la joie de Sarah et les petits-enfants Rachel, Roman et Anna.
Léon aimait la vie, il aimait les gens, il aimait les animaux.
Il avait souvent la garde de deux petits chiens, deux petits cotons de Tulear, Indy celui de Michel et Lucky celui d’Alain, il les emmenait à Menton l’été. D’ailleurs qui d’autres pouvait les garder, ces deux petits chiens ne comprenaient que le yiddish.
Les phrases de Léon, ses mots, l’accent de Szlamek, les défunts s’en vont, ils nous quittent.
Parmi eux, souvent, des personnages extraordinaires de bonté et d’humanisme que l’on ne peut jamais oublier.
Mais après tout, sont-ils vraiment partis ?
Magnifique portrait. Beaucoup d’émotion à sa lecture.
Très sincère amitié.
Juste une petite précision Monsieur KAMINSKI ne disait pas Monsieur Guy mais : Messié Guy avec cet accent quasi-inimitable, et aussi beaucoup empathie à mon égard.
Je vous renouvelle ma très sincère amitié à tous.
Une très belle et touchante histoire de votre père. Je garde de lui le souvenir d’un homme chaleureux et lors de nos passages à Paris nous avons vu combien il aimait ses enfants.
Annie Rubinstein-Swerts
à
part mon Père et ma mère, je n’ai connu personne d’autre de ma famille juive
qui a ètè assassiné par les nazis ! marcel kagan,.. bien à Vous.
Léon, mon cousin, le patriarche aime et écouté par toute notre famille, un Monsieur adorable, sympathique plein d’humour avec son délicieux accent et que tous nous aimions et que nous respections. Tendre pensée à tous les Kaminski et surtout à la grandeRegine
Mon cousin Léon le patriarche de notre famille ( Lect ) respecte et écouté par mes tantes.. mes cousins et cousines , un Monsieur adorable, gentil, serviable et attentionné que nous aimions tous. Une tendre pensée à la Grande Regine et à tous les Kaminski
Nous avons découvert avec beaucoup d’émotion et d’intérêt la vie de Léon Kaminski qui est un homme hors du commun et qui a fait preuve d’une résilience exceptionnelle.
Amitiés,
Rosette et Marcel
Comment dire ? Pour moi, ceux qui sont partis sont toujours parmi nous, sauf si on arrête de parler d’eux et d’évoquer des souvenirs !!!
Ton texte, Alain, est si touchant que mon seul regret est de ne pas avoir connu ton papa Léon Szlama Zal.
Merci 🙏
Juste une petite info… moi, la Tunisienne, je viens d’avoir 9 sur 10 au Yiddish Quizz !
Michel est mort de rire ! 😂😂😂👌
Alain , Michel que de souvenirs émouvants.
Je ne connaissais pas tous ces détails de sa vie.
Mais ce dont je me souviens et qui résonne encore inlassablement dans mes oreilles c est sa voix.
Sa voix rocailleuse avec son bel accent yid et toujours ses phrases sentencieuses et ses conseils et ses avis!!
Son regard à la fois grave et enjoué et le Tic qu il avait gardé tout au long de sa vie et qui est indéfectible de lui!
Il collait son avant bras droit sous ses côtes et d’un geste énergique et tenu les remontait comme si il voulait mieux respirer ou se libérer d un poids!
« Qu est ce qué ti fous à Montpellier dominique! »
Il est toujours avec nous
Témoignage trés émouvant du papa de mon ami Michel Kaminski, et d’Alain .
J’ai connu Léon à travers Michel, lors des fêtes familiales.
Mais à lire son histoire, je le vois maintenant d’un autre oeil.
Admiratif, ému .
Vous pouvez être fiers de votre papa, Michel et Alain
Henri Hazout
Comme j’aurai aimé connaître Léon Kaminski dont je découvre la vie. Il y a sûrement du Léon chez Michel et Alain. C’est un bel hommage que vous rendez à votre papa, attendrissant aussi. Ainsi, grâce à vous il ne meurt pas une 2e fois et reste vivant. Avec Léon Kaminski, la petite histoire rencontre la grande histoire. Merci pour ce portrait.
J ai trouvé ce témoignage très touchant concernant Léon Kaminski. Je l ai à titre individuel bien connu, car j ai débuté ma carrière de marchand forain, en partie à ses côtés.
C était un personnage haut en couleur dont le comportement atypique ne pouvait laisser indifférent.
Je suis très heureux de l avoir connu et un peu côtoyé grâce aux marchés que j ai découvert grâce à lui et à son fils Alain.
L ayant perdu de vue depuis pas mal d années, j ai été très attristé d apprendre qu il nous avait quitté il y a un peu plus de dix ans.
Léon Kaminski était un contemporain de mon père né en 1921 et décédé en 2003.
Le vide laissé par les personnes de cette génération risque de ne jamais être comblé, eux qui sont passés par tant de souffrance, nous ont donné des leçons de vie. Nous nous sentons bien sur orphelins, mais transmettrons à nos propres enfants les nobles valeurs qu ils nous ont transmis.
Nous respecterons leur mémoire pour l éternité.
Que leurs âmes reposent en paix
Dany Sebon